Tout au long de sa résidence, la compagnie L’Enracinée fera état de ses réflexions, au fur et à mesure des rencontres, provoquées ou spontanées…
Pour honorer notre doute moteur,
pour ne pas donner les réponses mais nous croiser les regards sur le terrain.
pour avancer en amorces à déplier l’Histoire, celle qui sépare, Culte, Culture et Agriculture en fêtes spécialisées et qui institue toute l’organisation de nos vies, qui dans le bouquin tout à plat, serait censée nous servir.
Pour interroger ce qui a peu à peu gagné l’Otium (loisir étude et pensée créatrice nommé dès l’antiquité comme un nécessaire temps de vacance), le Neg de Negotium, négation du temps libre, négociation, fabrique d’occupation et de divertissement.
Pour nous arrêter un peu de savoir ce qu’il faut faire et ce qu’il y a à faire et pour regarder en face ce que nous attendons les un-es des autres…
… et bien nous avons étudié.
Cette fois-ci encore, invitant la place du savoir au milieu de nous, comme un temps sans certitude, un endroit de vacances et de rencontre où il ne s’agirait plus de fournir des réponses mais bien de les chercher ensemble.
Lors de l’Académie,
nous nous sommes d’abord demandé comment agissaient nos corps dans l’espace public avec Corinne Lepage lors d’une conversation entre nos récits. Nous étions dehors.
Nous sommes rentrées dans la cour du théâtre pour entendre une conférence située par Daphné Achermann et son histoire de la Danse. Dans nos mouvements d’exutoire, sur la musique ou dans l’histoire, nous avons perçu, depuis chacune et dans la nuit, les formats normatifs et le pouvoir sur nos corps.
Nous avons dansé dans l’obscurité, beaucoup.
Le lendemain, nous sommes allées dans nos souvenirs de transgressions, nos effrois de répression. Au support d’une littérature anonyme à propos de l’histoire du carnaval, nous avons joué ensemble et autour de la table, les rôles de l’état, de l’église, de la bourgeoisie, du peuple et de l’artiste en incarnant lors d’un dîner houleux, les points de vue sur l’histoire. Nous avons tout de même réussi à manger et honorer les nourritures des amis de la Baie Rose sans tout nous jeter dessus.
Nous avons fait mardi, un grand cercle dans la grange de Lionel pour nous interroger sur le travail par les pauses, individuelles et collectives. Nous nous sommes souvenues depuis nos fonctions : le prêtre, la Maire, la généalogiste, le paysan, le professeur, la coordinatrice culturelle, les apprentis paysans, la secrétaire de mairie et puis le musicien, la comédienne, l’auteure et l’aide soignante, dans l’intime ou partagés entre les tâches, des temps où nous pensions que les hommages, les mercis et la reconnaissance du travail pouvaient éventuellement donner lieux aux fêtes. De petites fêtes ou des délassements, des détentes communes et peut-être alors, des formes de résistance, de nouveaux dimanches.
Le mercredi, nous avons préparé des dizaines de gâteaux.
Un jeudi d’Ascension, nous avons fait le tour de Bécherel en commençant par entendre un récital d’adieu joué par Babette dans l’église, c’est elle qui les fait sonner lors des enterrements. Nous sommes allées entendre Joël au cimetière, thanatopracteur et pompe funèbre depuis 1982, Daphné dansait dans le cimetière, en bleu. Nous nous sommes rappelés de nos sépultures et avons ouvert les possibles en décortiquant les obligations et les enjeux de nous vivant, saluant nos morts.
Pour la joie, au bord de l’étang, nous avons fait sonner les accordéons et présenté les gâteaux sur les nappes rouges. La photo de famille réunissait anniversaires, noces de porcelaines et deuils multiples.
Le pique-nique du dimanche nous a rappelé qu’il était bon de ne rien prévoir, de juste se donner une heure et un lieu. Alors nous rêvions de fête, de la prochaine,
celle du 17, resituant l’endroit du feu, les possibles dans ce que nous étions pour de vrai, sans penser pour, sans pouvoir sur, à quelques-uns et à nos envies.
alors ce sera au Thabor, avec des bûches suédoises et des chants dans la ronde
alors ce sera lingots blancs et tartines avec des saucisses à griller. tartinades et gâteaux.
alors ce sera simple et proche,
sans plus dire populaire, parce que nous parlons de nous…
Pauline, Charlotte et Daphné.
0 commentaires